Après le black out, l’Espagne cherche à faire la lumière sur ce qu’il s’est passé

Un mystère. Au lendemain de la panne électrique géante en Espagne et au Portugal qui a paralysé les deux pays, les raisons de ce black out ne sont toujours pas connues. Les transports ferroviaires ont été suspendus, les métros ont été évacués, les feux de signalisation ont cessé de fonctionner, les aéroports ont interrompu leurs opérations, les hôpitaux ont activé leurs générateurs de secours, les systèmes bancaires ont été partiellement désactivés… Et les badauds, déconcertés, que ce soit à Madrid, Barcelone ou encore Lisbonne, tendaient le bras en l’air, smartphone à la main, dans l’espoir de trouver du réseau…

L’électricité est, progressivement, revenue, après de longues heures, dans toute la péninsule ibérique durant la nuit de lundi à mardi. En Espagne, 99% de l’approvisionnement a été rétabli, selon le gestionnaire du réseau REE (l’équivalent de RTE en France). Au Portugal, le gouvernement a annoncé que 100% des foyers avaient de nouveau accès à l’électricité.

“15 gigawatts soudainement perdus en à peine cinq secondes”

La fourniture en électricité a été partiellement rétablie grâce aux interconnexions avec la France et le Maroc, et aux centrales à gaz et hydroélectriques qui ont “été réactivées dans tout le pays”, selon le gouvernement espagnol. Quant aux centrales nucléaires espagnoles, elles ont été mises à l’arrêt, comme le veut la procédure de sécurité en cas de coupure d’électricité.

L’électricité revenue, le gouvernement espagnol cherche à faire la lumière sur cet “effondrement” du réseau qui ne s'était “jamais” passé, selon les mots de Pedro Sánchez : “15 gigawatts soudainement perdus en à peine cinq secondes”. Ce qui “correspond approximativement à 60 % de la demande” en électricité du pays à cette heure-là de la journée, a précisé le premier ministre espagnol. Son homologue portugais Luis Montenegro a, lui, parlé d’une “situation grave et inédite” dont l’origine est à trouver “probablement en Espagne”.

Pour l’heure, selon Pedro Sánchez, “aucune hypothèse” n’est “écartée” pour expliquer ce black out qui a débuté à 12h33, lundi 28 avril.

Les hypothèses

Oscillations de tension extrêmes

Le gestionnaire du réseau portugais, REN, a évoqué un phénomène atmosphérique rare, qualifié de “vibration atmosphérique induite”, provoqué par des variations de température extrêmes en Espagne. Cela aurait entraîné des oscillations anormales dans les lignes à très haute tension, perturbant la synchronisation des systèmes interconnectés et provoquant des défaillances en chaîne dans le réseau ibérique.

Problèmes d'interconnexion avec la France

La défaillance de la connexion électrique entre l'Espagne et la France a été identifiée comme un facteur contribuant à l'effondrement du réseau espagnol. Eduardo Prieto, directeur des services opérationnels du gestionnaire espagnol a précisé que la panne a débuté quand s’est produite “la déconnexion des interconnexions que nous avons avec la France” et “l'isolement du système électrique péninsulaire du système électrique européen”.

Des problèmes de stabilité technique du réseau

Des experts comme Antonio Turiel (CSIC) soulignent des problèmes de stabilité technique du réseau : "La majeure partie de l'électricité espagnole était fournie par des systèmes photovoltaïques, peu flexibles et incapables de s'adapter. Que s'est-il passé ? Certains systèmes ont commencé à tomber en panne, et une série de pannes s'est ensuivie". Et d'ajouter : "Beaucoup d'énergie photovoltaïque était produite, qui, en raison de ses caractéristiques techniques, réagit mal aux variations de la demande. La raison est qu’une grande partie des énergies renouvelables ont été intégrées sans les systèmes de stabilisation requis qui auraient dû être en place et qui sont désormais exigés par la loi".  Résultat : un réseau vulnérable, une déconnexion en cascade et une panne qui, selon Antonio Turiel, auraient pu être évitées en respectant les réglementations techniques existantes.

Une cyberattaque

Les autorités espagnoles et portugaises ont exclu la possibilité d'une cyberattaque, n'ayant trouvé aucun indice suggérant une telle origine. “Nous avons pu conclure qu’effectivement, il n’y a eu aucun type d’intrusion dans le système de contrôle de REE”, a précisé Eduardo Prieto, directeur des services opérationnels du gestionnaire espagnol.

Une enquête en cours

Pour l’heure, les autorités espagnoles ont donc écarté une cyberattaque pour expliquer le black out de lundi. Mais, toutes les hypothèses sont sur la table afin d’en identifier l’origine. Et, surtout, selon Eduardo Prieto, afin d’"adopter les mesures nécessaires pour éviter qu’un incident de ces caractéristiques puisse se produire”. Lors de sa comparution lundi soir, le chef du gouvernement espagnol a déclaré qu'une enquête est en cours pour déterminer pourquoi la production d'électricité a été "soudainement" interrompue à 12h33. Ce qui "n’était jamais arrivé auparavant".

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